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Le mariage pour tous en France, un premier pas vers la Gestation Pour Autrui (PMA) ?

Le 29 mai 2013, soit 11 jours après la promulgation de la loi sur le mariage pour tous, a lieu le premier mariage homosexuel célébré en France. Pour en arriver là, un long combat s’est tenu entre les partisans et les opposants de la loi Taubira dans une atmosphère tendue. Les questions concernant les droits des homosexuels font l’objet de débats de société houleux depuis déjà plusieurs dizaines d’années. Ainsi depuis les années 1980, on assiste à l’évolution progressive de ces questions malgré des oppositions qui persistent.

On peut d’ores-et-déjà anticiper la teneur des débats qui vont survenir autour de la procréation médicalement assistée (PMA) programmé pour 2018. Emmanuel Macron, qui se porte comme “le garant de cette concertation”, a exclu de proposer la légalisation de la gestation pour autrui (GPA).  La promulgation de la loi du mariage pour tous n’est-elle donc que le prélude d’autres querelles à venir ? À l’origine, comment les revendications des droits des homosexuels ont-elles fait l’objet d’une politisation ?

Les droits des homosexuels : résultat d’un incrémentalisme politique

Les droits qui sont aujourd’hui accordés aux homosexuels résultent d’un long processus incrémental, c’est-à-dire de petits changements planifiés, débutant dans les années 1980. La première étape est impulsée par Robert Badinter, alors Ministre de la Justice sous François Mitterrand, qui a dépénalisé l’homosexualité. Dix ans plus tard, alors que l’homosexualité était jusque-là considérée comme une maladie mentale, l’OMS la retire de cette liste. Une autre grande étape est franchie avec l’instauration du PACS en 1999. L’accumulation de ces changements législatifs successifs fait place à la volonté d’un changement radical qui se traduit par la demande d’accès au mariage des couples homosexuels, à l’instar de ceux hétérosexuels.

L’égalité des droits des hétérosexuels et des homosexuels s’est constituée en problème public dès lors que des acteurs sociaux s’en sont emparés. À chaque phase de l’évolution des droits des homosexuels, il y a eu des échanges sous forme de débats entre les acteurs politiques et sociaux. Ces derniers ont progressivement contribué à favoriser les changements de mentalité sur ces questions. Cependant, les controverses répétées et les prises de position médiatisées des réfractaires qui se sont tenus lors du processus de légalisation du mariage gay ont rappelé les résistances sociales qui subsistaient face à un tel changement de société. Pourtant, cette loi avait été annoncée par l’un des candidats en lice lors de l’élection présidentielle de 2012, François Hollande.

La lutte pour le mariage pour tous sous la présidence de François Hollande

“J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels”, tel était l’un des engagements du candidat François Hollande. Suite à son élection, le 7 novembre 2012, un projet de loi porté par la garde des Sceaux Christiane Taubira verra le jour.

Cette proposition fait controverse dans la sphère politique où le parti socialiste et la plupart des partis de gauche, qui soutiennent cette loi, s’opposent radicalement aux partis de droite. C’est aussi le cas dans la sphère publique où l’on dénombre une recrudescence des violences homophobes et une médiatisation accrue. Vrai phénomène sociétal, la question du mariage pour tous fait l’objet d’une publicisation à l’échelle nationale. Malgré la baisse du taux de mariage en France, le débat sur le mariage gay a mis en évidence l’importance qu’ils accordent à cette institution.

Un vif débat voit alors le jour entre les partisans du « mariage pour tous » et ses opposants de “la manif pour tous”, inquiets d’une remise en cause des fondements de la famille. Des groupes de pression multiplient les manifestations dans la rue, les interventions sur les plateaux télévisés, et les articles justifiant leur position. D’un côté, des associations LGBT et féministes comme SOS Homophobie, des associations antiracistes ou de défense des droits de l’homme tels qu’Amnesty International et la Ligue des droits de l’homme, des syndicats se prononcent également en faveur de l’ouverture du mariage aux homosexuels. De l’autre, des associations telles que Racines d’enfance, l’Union nationale des associations familiales, les collectifs « Homovox » et « Pour l’Humanité durable » s’y opposent.

Parmi toutes les manifestations confondues, celle qui a rassemblé le plus de monde est celle du 13 janvier 2013 où 340 000 personnes selon la police, et 800 000 selon les organisateurs ont défilé dans les rue de Paris contre le mariage pour tous.

Au final, après 170 heures de débats au Parlement, des ajustements et des compromis, l’Assemblée nationale adoptera le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe à une large majorité.

Le positionnement d’Emmanuel Macron en faveur de la PMA

Cette avancée majeure qui a permis jusqu’à fin 2016 de célébrer plus de 30 000 mariages laisse néanmoins un goût d’inachevé pour les associations en faveur du mariage gay puisque la PMA reste réservée aux couples hétérosexuels ayant une infertilité avérée. En France, la loi interdit aux femmes seules et aux couples lesbiens d’y accéder contrairement à l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas ou encore le Danemark. Conséquence, une partie des Françaises célibataires au désir d’enfant recoure à la PMA dans l’un de ces pays. En France, alors que le mariage dépend du Code civil, c’est d’une autre juridiction que dépend la PMA : la loi bioéthique du Code de la Santé qui régit son accès depuis 2004.

En avril 2017, le candidat aux élections présidentielles Emmanuel Macron s’adresse aux associations LGBT. Il se dit alors favorable à une loi ouvrant la PMA « aux femmes seules et aux couples de femmes » sous condition de l’accord préalable du Comité consultatif national d’éthique (CNNE). Accord qu’il obtiendra, deux mois plus tard. Emmanuel Macron se saisira alors de cette opportunité pour mettre à agenda politique une proposition de révision de la loi bioéthique et annonce l’ouverture d’un débat sur l’extension de la PMA en 2018.

Une nouvelle lutte à venir sur la question de la GPA ?

Aujourd’hui, le mariage pour tous est entré dans les mœurs et l’homophobie recule en France. C’est même à la quasi-unanimité que l’Assemblée nationale a adopté le 3 avril un amendement à la loi Santé contre l’exclusion des homosexuels du don de sang. On n’entend plus ceux qui juraient qu’ils “démarieraient” les mariés homosexuels une fois de retour au pouvoir.

Même si la loi Taubira a permis de faire avancer la bataille pour l’égalité des droits entre couples homosexuels et hétérosexuels, l’on peut raisonnablement présager la tenue de débats houleux notamment autour de la Gestation Pour Autrui (GPA) qui consiste au recours d’une mère porteuse pour le compte d’un couple tiers. Considérée comme une adoption illégale en France, cette méthode de procréation est interdite en France aussi bien pour les couples hétérosexuels qu’homosexuels. Le risque est notamment celui de la marchandisation du corps de la femme. Sa légalisation “n’est pas à l’ordre du jour” du gouvernement Macron.

Pourtant d’après un sondage de la BVA de mars 2017, 50 % des sondés se disent favorables à la GPA, dont 37 % pour les couples hétérosexuels et homosexuels sans distinction.

De même, des estimations évaluent à 2000 le nombre d’enfants issus de GPA à l’étranger vivant actuellement en France. Ces familles d’un nouveau genre nul doute prendront part au débat à venir entre partisans et opposants à la GPA, au cours de la nouvelle étape de la lutte pour les droits des homosexuels.

Léa Booz Parny et Jeanne Daireaux

Bibliographie :

Boltanski, L., et Thevenot, L., De la justification – Les économies de la grandeur, Gallimard, Paris, 1987 et 1991.

Genieys William, Hassenteufel Patrick, « Qui gouverne les politiques publiques ? Par-delà la sociologie des élites », Gouvernement et action publique, 2012/2 (n° 2), p. 89-115. URL : https://www.cairn.info/revue-gouvernement-et-action-publique-2012-2-page-89.htm

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Lindblom, C. (1958), « Policy Analysis », American Economic Review, vol. 48, n° 3, p. 298-312.

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