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Le harcèlement dans les transports : une action publique impossible ?

 

Selon une enquête récente réalisée par la FNAUT, 87,5% des femmes prenants les transports en commun quotidiennement ont déjà été victimes de harcèlement. Le précédent article a montré les faiblesses de l’action publique face à un problème récurrent et non nouveau. Quels sont les instruments dont disposent les pouvoirs publics pour agir dans ce domaine ?

UNE PLURALITÉ D’INSTRUMENTS DE POLITIQUES PUBLIQUES

En 2015, suite au rapport de la FNAUT et aux recommandations faites par la HCE, le Gouvernement a décidé de mettre en place un projet de loi afin de lutter contre le harcèlement dans les transports comportant 12 des 15 recommandations effectuées. Les recommandations liées à l’éducation, comme la sensibilisation des jeunes face au sexisme, se sont vues écartées, ce qui a poussé plusieurs acteurs à agir par eux-mêmes. On peut citer des acteurs du secteur public – des mairies et des associations – et des acteurs du secteur privé, mais aussi des victimes.

En 2018, à la suite de l’élection d’Emmanuel Macron, un projet de loi est déposé par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il inclut la verbalisation des actes de harcèlement ou encore la formation de personnels. Il préconise également l’augmentation de campagnes de sensibilisation avec le Tour de France l’Egalité Femmes Hommes lancé en Octobre 2017 et qui prendra fin en Mars 2018.

De la mise en place des campagnes de sensibilisation…

Face à ce problème d’envergure, l’Etat n’a appliqué jusqu’à ce jour qu’une petite partie des recommandations adoptées. On retrouve dans les grandes agglomérations des campagnes de prévention adressées aux victimes de harcèlement, appliquées sur de courtes périodes et qui ont été mises en place en partenariats avec des acteurs privés tels que JCDecaux, HulaHoopa (agence de communication) et notamment par les réseaux de transports (SNCF, RATP, KEOLIS…). Mais ces campagnes sont jugées obsolètes et ne font pas l’unanimité.

Certaines agglomérations ont jugé nécessaire de développer des actions plus directes. A Bordeaux, les campagnes se posent sur des visuels/gestes plus parlants. Elles évoquent les sanctions encourues. Elles s’adressent aux usagers et aussi aux harceleurs afin que tous soient informés des procédures mises. A cela s’ajoute, lors de journées de sensibilisation, une distribution de guide de prévention.

… Au dispositif d’arrêt à la demande dans les bus de nuit…

Depuis 2015, l’arrêt à la demande a été mis en application en beta test dans certaines villes afin d’évaluer le potentiel de l’instrument mais aussi d’avoir un aperçu de l’opinion publique sur ce dispositif.

Les avis sont partagés. A Nantes, le dispositif a été adopté de manière pérenne depuis l’année dernière. Les habitants jugent cette action efficace. Mais, en Île-de-France, les avis sont mitigés. Ce dispositif devrait voir le jour en 2018 en Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis à la suite du vote en faveur de ce dispositif lors de la réunion du conseil Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif) Mercredi 06 Décembre 2017. Cependant, il fait l’objet de critiques de la part des Franciliens puisque selon eux le principe d’égalité n’est pas respecté, la protection des femmes étant privilégiée à celle des hommes.

… En passant par les sanctions encourues.

Une politique plus sévère a été mise en place depuis 2017 visant à réprimander les auteurs de ces actes.  L’acte de harcèlement sexiste est passible de 2 ans de prison et 30 000 € d’amende tandis qu’un acte d’agression sexuelle est passible de 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende.

Campagne Arrêtons-Les : les vidéos regroupant les actes et sanctions encourues.

Un groupe de travail composé de cinq députés : Laetitia Avia (REM), Elise Fajgeles (REM), Marietta Karamanli (Nouvelle Gauche), Erwan Balanant (MoDem) et Sophie Auconie (les Constructifs) a été mis en place afin d’étudier les moyens de pénaliser le harcèlement de rue/dans les transports. Ses membres sont chargés de formuler des préconisations pour que le Gouvernement puisse proposer une loi visant à créer une infraction. Mais la verbalisation en cas de flagrant délit de harcèlement n’est pas si simple, il faut prendre en considération l’acte, le degré de gravité afin d’établir des montants et aussi établir la nature juridique de la sanction (délit/verbalisation). On s’aperçoit rapidement que la définition de harcèlement est peu claire (ce qui relève ou non du harcèlement) et cela reste pratiquement peu réalisable actuellement, ce qui suscite des des controverses.

UNE ACTION POLITIQUE DIFFICILEMENT PRATICABLE

La définition du harcèlement reste dans une « zone grise » : quand une femme est victime de sifflements, insultes ou est suivie dans les transports, cela n’entre pas dans la caractérisation de l’agression ou du harcèlement, parce qu’il n’existe pas de définition précise. Il n’y a pour le moment aucun encadrement de la verbalisation.

Pour qu’il y ait verbalisation, il faut que l’agression soit reconnue. Le flagrant délit est indispensable et l’acte doit se passer sous les yeux d’un agent des forces de l’ordre ou bien que la victime mène son agresseur devant lui, ce qui est plus qu’improbable en réalité. De plus, en cas de verbalisation, les agents appliquent une contravention au montant encore inconnu. Quant à l’apport de preuves, celles-ci doivent venir d’un témoin, d’une photo ou d’une vidéo.

Une politique pour l’Egalite femmes/hommes ?

Une dizaine d’universitaires dont Marylène Lieber professeure en étude du genre, s’interrogent les effets politiques, sociaux, et juridiques de cette loi. Selon eux en France les insultes, le harcèlement et les atteintes physiques et sexuelles sont déjà considérés comme des infractions. Ils voient dans la création d’une infraction spécifique une redondance à un appareil législatif déjà existant.

Le terme de « harcèlement de rue » est également sujet à des contestations notamment par le fait qu’on circonscrit le harcèlement sexiste à un espace spécifique, ici la rue, au détriment d’autres espaces publics tels que dans les entreprises, les établissements scolaires…

Ces contestations témoignent d’une crainte de stigmatisation de catégories de populations – les hommes des classes populaires et racisées – qui seront sujet à des contrôles plus fréquents alors qu’ils subissent déjà les contrôles au faciès ainsi que, parfois, les violences des forces de l’ordre.

Si nul ne doute des intentions de ces politiques gouvernementales, la question de leur efficacité demeure. Parviendront-elles à faire diminuer le nombre des femmes harcelées. Les sanctions constitueront-elles un frein suffisant ?

Julie SPERDUTO et Kimberly SOK

Sources

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